mardi 16 avril 2013

Les enjeux de la RSE

Le modèle économique de certaines régions du monde, comme l’Europe ou les États-Unis se modifie pour inclure une dimension plus «durable»: souci de l’environnement, de produire moins cher, plus accessible et  plus durable en n’allant pas à l’encontre des droits humains. C’est en essayant de s’adapter à cette nouvelle donne que les entreprises se lancent dans la RSE. Mais pour s’y engager, elles doivent être conscientes des enjeux et des dérives auxquels elles risquent d’être confrontées.



La légitimité de la RSE [1]

Enjeu: La RSE, bien appliquée, est une prise de conscience des dirigeants au-delà des profits qu’ils peuvent engranger. Évidemment le profit reste la première responsabilité des entreprises mais en dépassant les règles et usages de l’activité économique et de ce que l’Etat impose comme réglementations, l’entreprise peut aller plus loin dans son engagement envers la société. La RSE est un des moyens utilisés dans ce sens.

Dérive: La question se pose: la RSE est-elle une théorie bien pensante ou a-t-elle une réelle légitimité; est-ce réellement l’entreprise qui doit s’occuper du bien public? Comme le dit Milton Friedman (The business of business is business), la seule responsabilité de l’entreprise est de faire du profit. En faisant du profit, elle augmente sa productivité et le gain de productivité permet de valoriser ses parties prenantes: faire baisser les prix, offrir des emplois, des hausses de salaire et favoriser l’investissement, ce qui entraîne innovation, sécurité d’emploi et continuité des activités de l’entreprise. Pour Friedman et d’autres opposants, il existe un danger: en laissant le concept sur base de volontariat et donc en ne sanctionnant pas les atteintes des objectifs d’un texte légal, les patrons se substituent au rôle de l’État. Comme ces chefs d’entreprises ne sont pas élus, la RSE est donc, par extension, une atteinte à la démocratie. Les pro-RSE rétorquent, eux, qu’en faisant participer les parties prenantes dans le processus de décision, en les consultant régulièrement, les dirigeants restituent la démocratie.

L'image de l'entreprise

Enjeu: Un des enjeux de la RSE, au bénéfice de l’entreprise, est une image de marque améliorée vis-à-vis du public. Ce public comprend, bien entendu, toutes les parties prenantes de l’entreprise. En améliorant ses relations et ses performances économiques, en réduisant son impact sur l’environnement, l’entreprise répond à la demande implicite du public et améliore son image, ce qui entraîne une confiance réciproque.

Dérive: Des entreprises se servent de la RSE comme outil marketing. Le nom donné à cette pratique est le «GreenWashing». C’est une manière pour l’entreprise de communiquer une image «verte» de ses produits et/ou de sa politique alors que peu ou même aucune action ne sont réalisées.
La difficulté est sans doute, pour le consommateur, moteur de l’économie, de reconnaître les produits et entreprises qui ne pratiquent pas ces méthodes. Combien existe-t-il de publicités sur le marché vantant  «une voiture verte» ou «l’énergie verte»? Qu’est-ce qui garantit au consommateur qu’un éco-produit  respectant l’environnement, sera produit dans des conditions salariales correctes? 
L’aspect marketing du GreenWashing se retrouve immanquablement dans les politiques d’entreprises. C’est-à-dire que beaucoup d’entreprises parlent de RSE, pensent s’impliquer dans la RSE, mais n’agissent que là où ils ont le moins de difficultés et là où ils doivent le moins s’impliquer. Or, il faut un juste équilibre entre les trois piliers pour parler de RSE. S’engager dans la protection de l’environnement sans se soucier de son personnel n’entre pas dans une politique RSE. Comme précisé dans la définition, il faut que la RSE soit incluse dans la gestion globale de l’entreprise.


Exemple: Le partenariat entre Volvic et Unicef peut faire figure d’exemple. Même si Volvic s’engage dans l’humanitaire, mettre de l’eau en bouteille reste une action contraire à l’idéal écologique de la RSE. Pour palier à ce problème, l’entreprise a donc créé une bouteille en partie d’origine végétale et 100 % recyclable. Volvic appartient au groupe Danone.
Ce groupe s’engage dans la RSE, au niveau social, de manière assez concrète avec des actions diverses comme le recrutement sans CV ni lettre de motivation mais sur base d’un questionnaire anonyme ou l’engagement de recruter des jeunes issus des quartiers plus défavorisés dans le cadre du plan français «Plan Espoir Banlieue».




Mieux connaitre son environnement

Enjeu: Mieux connaître son environnement, c’est mieux prévenir les risques liés à la rentabilité de l’entreprise. En favorisant la communication avec toutes les parties prenantes de l’entreprise, celle-ci apprend à faire face, ou même évite les crises qui pourraient entraver sa pérennité.
En cas de crise au sein d’une entreprise, la RSE peut être un facteur de cohésion. Fédérer les parties prenantes dans un même projet responsable peut apporter une union, surtout au niveau des salariés. En effet, en cas de crise importante, les salariés sont un des points de soutien essentiel dans l’entreprise. Ce sont eux qui la défendront le plus efficacement s’ils ont un sentiment d’appartenance fort à leur entreprise.

Exemple: Le Groupe Total Belgique, accusé de non respect des droits de l’homme en Birmanie ou lors du naufrage de l’Erika, n’a pas souffert de la crise en interne. Cela est dû à une excellente communication interne de crise (dossier complet à disposition des salariés). Cette communication interne sur la responsabilité sociétale de l’entreprise, permet aux salariés d’avoir des arguments pour défendre leur entreprise en cas de crise importante. [2]

Inconvénient: Puisque l’entreprise fait preuve de plus de transparence, chaque «faux pas» sera plus facilement observé et plus sévèrement critiqué. Ce qui implique d’avantage de retour négatif si elle ne tient pas ses engagements.

... mais aussi mieux connaitre son entreprise

Enjeu: Grâce aux questions que les entreprises se posent lorsqu’elles s’engagent dans la RSE (Quelles sont mes forces, mes faiblesses? Comment me différencier de mes concurrents? Comment informer mes clients de la démarche que j’entreprends? etc.), elles envisagent leur activité de manière radicalement différente et parfois même de manière plus performante. Elles se remettent en question ce qui leur permet de détecter plus facilement leurs problèmes de fonctionnement.

Avoir un avantage concurrentiel

Enjeu: Certaines entreprises, engagées dans la RSE, exigent de leurs fournisseurs, (plus rarement de leurs clients), qu’ils aient une démarche aussi responsable que la leur. S’engager dans la RSE, c’est aussi avoir un avantage concurrentiel sur le marché par rapport aux entreprises qui n’ont pas ou peu d’engagements dans le domaine. Les entreprises elles-mêmes sont des parties prenantes pour leurs partenaires dans le concept de la RSE. 

Dérive: Le danger de l’avantage concurrentiel est la non diversité des parties prenantes. Vu le faible nombre d’entreprises engagées (activement) dans la RSE, il existe des risques à ne privilégier que les entreprises qui ont la même politique (prix supérieur, non-concurrence, etc.). De plus, dans certains pays, s’engager dans la RSE devient trop exigeant et l’entreprise n’est alors plus concurrentielle sur le marché local, surtout dans les pays en voie de développement où les règles sont plus «flexibles» concernant les ­3 ­piliers de la RSE. 


Réduire les coûts

Enjeu: Même si la RSE a un coût en terme humain et en terme financier, il faut l’imaginer comme un investissement. En effet, investir sur la productivité, sur la réduction des coûts de production (notamment en réduisant la consommation d’énergie et de matériaux), permet à l’entreprise de rentabiliser très vite le coût que peut entraîner la RSE. De plus de meilleures relations avec les investisseurs et les banques permettent aussi une confiance réciproque et un investissement plus important de la part de ceux-ci. 
Du côté des salariés, la motivation et l’identification à une entreprise dont la politique leur correspond entraîne un regain de productivité et une innovation plus importante. Dans le même ordre d’idée, la RSE fidélise et attire les salariés qui s’identifieront plus à leur entreprise si elle a un code moral irréprochable.

Dérive: Une entreprise qui n’est plus en phase avec ses valeurs entraîne un détachement et une démotivation de la part des salariés. Le turnover sera plus important dès ce moment et les hauts-potentiels seront tentés d’aller voir ailleurs. Les coûts seront alors plus élevés.


Agir dans l'esprit citoyen

Enjeu: Un des enjeux les plus importants de la RSE est bien sûr l’impact positif que l’entreprise peut avoir sur son environnement non seulement immédiat mais aussi dans le reste du monde.
Exemple: Une imprimerie qui privilégiera les papiers qui sont produits avec un label FSC protégera les forêts de la planète. 

Conclusion

S’engager dans la RSE est une démarche qualitative dont l’entreprise peut ressortir gagnante si elle l’applique de manière inclusive dans sa stratégie. Les dérives de la RSE sont pourtant nombreuses, peut-être dues au fait que le patronat ne veut pas de législation qui le contraindrait à être transparent sur les actions entreprises ou peut-être aussi parce qu’il est plus facile de parler de la RSE que de l’appliquer.




1 PASQUERO J., La responsabilité sociale de l’entreprise – regard historique tiré de: TURCOTTE M-F., SALMON A., Responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, Quebec, Presses de l’Université du Quebec, 2005.
2 HAMBURSUN C., La RSE comme facteur de cohésion interne en situation de crise», in Magazine de la Communication de crise et Sensible MCCS pour l’Observatoire International des Crises (OIC) 2009, pp. 5-11.

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